« Se toucher, s’émouvoir à nouveau ?!? »

 

Tout a été dit, écrit ou presque sur les effets délétères ou bénéfiques des mesures de restrictions physiques, sociales… et amoureuses du traitement de la pandémie Covid depuis mars 2020. Une question se pose cependant : cette habitude que la plupart ont intégré de ne plus se toucher à l’extérieur va-t-elle avoir des conséquences sur l’intérieur, à savoir la vie privée, amoureuse, sexuelle et sensuelle ?

Comptons aujourd’hui le nombre de personnes que nous touchons, embrassons, prenons dans nos bras désormais. Sans parler des mains prises, serrées, tenues avec sympathie, tendresse, bienveillance. Plus de proximité de visages, de regards. Nous exerçons notre ouïe pour écouter de loin. Le danger est partout, il faut effacer les traces, les empreintes, se laver et relaver les mains, ne pas rester trop longtemps dans la même pièce, et finir par trouver ça normal…

Faute de ne pouvoir se connecter spontanément aux autres par des embrassades, étreintes, câlins et mains serrées, le couple et/ou la famille restreinte (surtout pas élargie, le danger est partout!) seraient-ils devenus les seuls espaces autorisés de contacts physiques ?

Il a été dit souvent qu’il fallait réinventer le couple. Le « Pair Care » est à la mode, nouvelle vague venue des États Unis, qui propose de prendre soin de son couple comme on prendrait soin de soi (???), c’est-à-dire dans une générosité à l’autre dans les gestes du quotidien, mais incluant aussi de se couper du monde social, de privilégier un couple confit dans sa bulle…

Ainsi, la transgression, la subversion les plus « tendance » seraient de renverser les codes en se focalisant sur l’intérieur. Le « Sensate Focus » de Masters et Johnson revisité à la mode du danger potentiel serait donc la seule voie de salut ? A savoir, redécouvrir cette personne, intime étrangère, en la regardant comme un continent inexploré, à réinvestir en douceur, avec délectation ? Retomber amoureux, ou repartir sur la piste et les traces de cet amour perdu ?

La philosophe Marie Robert dit que ces périodes confinées ont permis à certains individus de se poser la question de leurs attentes (qui suis-je, qu’est-ce que je veux vraiment vivre dans une relation amoureuse, vers quoi ais-je envie d’aller ?…).

Il me semble que la question de l’amour est souvent corrélée à la vie de couple « par défaut ». Faut-il maintenir le couple en apnée, dans un espace confiné et dans une survie à tout prix ? En lui insufflant ponctuellement quelques doses d’oxygène par des projets, réinvestissements immobiliers, une extension ou des développements professionnels… En considérant que la bonne santé physique et mentale de la famille, la possession de biens matériels sont les antidotes au doute, et à un désir de vivre en berne.

On ne badine pas avec l’amour… A l’heure où le badinage virtuel a le vent en poupe histoire de rêver un peu et booster un imaginaire érotique quelque peu confiné, qu’en est-il de l’amour et de sa liberté, de sa pulsion de vie et de sa force de rêve?

 Après les révoltes de mai 68, redevenons-nous sages, voire conformistes, voire résigné.e.s ???

 L’amour, denrée rare et périssable, se retrouve en bocal, les conservateurs aideront à prolonger la date de péremption…

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