François et Valérie : thérapie imaginaire d'un couple ordinaire…
Cabinet d’une thérapeute de couple, quelque part en France, dans une ville anonyme, loin des rumeurs et des fureurs de la capitale.
Elle arrive en colère. Femme blessée, outragée.
Elle dit très vite son humiliation, son regret d’impulsions dictées par les rancœurs et blessures accumulées au fil du temps. L’espoir qu’Elle avait d’y croire car Il l’avait choisie entre toutes… La fierté de l’ascenseur social, sa souffrance de classe. Ses efforts, son travail acharné, son sentiment d’imposture. Sa solitude…
Oui, Elle a écrit pour survivre, sortir la tête de l’eau, d’une plume acérée et vengeresse, et malgré tout parfois encore si tendre…
Oui, Elle a voulu en finir car dans cette souffrance intime les abandons et trahisons multiples ont fait ressurgir de vieux démons. Et la révélation de l’infidélité a déclenché en Elle un sentiment de mort imminente.
Il ne dit rien, écoute patiemment, avec un air désabusé, en retrait, ailleurs. Il est venu pour tenter de calmer le jeu, d’apaiser l’orage. Restons raisonnables, voyons!…
Quand sa voix monte dans les aigus, Il la regarde interloqué, comment peut-Elle se montrer aussi indécente, aussi peu maitresse…d’Elle-même?
Elle se raconte, se déverse à flots, les digues cèdent, plus de barrages, plus de frontières, plus de limites ni de protocole.
Elle parle de sa peur viscérale de l’avenir, du manque, de cette insécurité venue de l’enfance, de l’humiliation d’avoir à demander une aide financière. A nouveau devoir se battre, recommencer, faire ses preuves.
Sur son visage à lui aucune émotion.. Ses pleurs le laissent froid,pas un geste de tendresse ou de consolation, ses yeux ne reflètent que de l’incompréhension, de l’agacement parfois. Mais il se contient, la laisse parler, se dévoiler. Se calmer peut-être?
Qu’espèrent-Ils en venant ici, quelle réconciliation possible, quelle compréhension de ce qui les a réunis, puis désunis, et qui maintenant les entrainent en dérapages successifs et inexorables vers le gouffre…
Lui parle d’engrenage, d’impossible liberté, de raison plus forte que les sentiments, d’obligations, de contingences… Il a du mettre en place des protections nécessaires, des boucliers stratégiques, une vie où chaque minute est réfléchie, pensée, maitrisée, dans laquelle les émotions ne peuvent exister sinon on en meurt…
Il est trop tard sans doute pour se demander quelles erreurs de comportements auraient pu être évitées, et comment un amour aussi fort aussi fou a pu se transformer en catastrophe en chronique d’une mort annoncée.
Que pouvons-nous en retenir?
Que, peut-être, les profils et les comportements dans un couple, n’importe quel couple, reposent sur les mêmes constantes; malgré le sentiment amoureux du départ, se rejouent et se dessinent dans les rapports de couple les résultantes des constructions psychiques de chacun des partenaires, en rapport avec leurs histoires et blessures d’enfance. Manques et insécurité qui se rejouent inlassablement sur la scène de leur vie amoureuse et intime…
D’un coté un évitant -insécure?- mettant à distance ses émotions et ne pouvant considérer l’autre comme un sujet. Qui va se protéger par un cynisme et une indifférence à la mesure de sa peur de ne plus maitriser, de se perdre… Et l’autre, dans un sentiment d’illégitimité savamment entretenu par son partenaire, passionnée, -insécure chronique?-, commettra impairs sur impairs, encaissant jour après jour les marques invisibles et mortifères d’un inexorable désamour, jusqu’à ne plus savoir qui elle est -« hystérique » ont du dire certains qui jugent sans savoir- folle de souffrance et d’impuissance. Bafouée, trompée, humiliée, et devant bien sûr se taire, s’effacer, disparaitre sans laisser de traces.
Chacun dans cette histoire a présenté à l’autre un miroir. Au début un miroir idyllique dans lequel chacun s’est vu renaitre, revivre, dans la lumière et l’énergie du recommencement. Puis un miroir plus sombre qui peu à peu s’est terni : miroir qui a renvoyé à l’autre ses manques, ses contradictions et inconséquences, sa capacité à décevoir, son incapacité à supporter, à transcender, comme pourtant ils l’avaient rêvé comme pourtant ils se l’étaient jurés…
Mais l’amour n’est pas un dû….
Ainsi donc les sommets les plus vertigineux renvoient-ils à la plus implacable solitude…
Et nous conclurons par cette phrase de Tahar Ben Jelloun :
« Le silence de l’être aimé est un crime tranquille »*
*cité en introduction par Valérie Trierweiler dans
« Merci pour ce moment »