La masturbation : toujours taboue?…
Qui aujourd’hui encore considère « la chose » comme solution de secours aux manques des esseulés qui par défaut se contentent de façon solitaire?…
Qui d’ailleurs associe le geste à une occupation typiquement masculine?… « Les pauvres, ils ont des besoins, il faut les comprendre! » Quand aux femmes, purs esprits dans un corps sage, il faudrait vraiment qu’elles ne pensent « qu’à ça » pour oser pratiquer de manière assidue ces « caresses » dans un acte exagérément narcissique, honteusement égoïste, qui surtout leur donnerait les clés d’une découverte du plaisir que parfois certains partenaires peu inspirés ou érudits n’ont su ou pu leur faire découvrir…
Ors, la masturbation, car c’est bien d’elle qu’il s’agit, reste dans nombre d’esprits une pratique de substitution quelque peu honteuse, et qui d’ailleurs pour beaucoup cesse dès l’entrée en couple; avec cette idée de l’abandonner, par loyauté et fidélité, au profit d’une sexualité amoureuse où tout se vit et se partage à deux, où l’individu s’efface pour un temps au profit du couple fusionnel.
Pourtant… Pourtant nombre de sexologues proposent cette pratique comme l’incontournable outil de découverte et de connaissance de soi… Et comme un acte qui, loin d’être égoïste et solitaire, peut se vivre à deux et en pleine réciprocité!
Cependant, si le fameux « charité bien ordonnée commence par soi-même » pourrait lever ici bien des culpabilités, il n’en reste pas moins vrai que nous sommes imprégné-e-s des relents de siècles de morale religieuse, soutenue par un pouvoir médical qui décidait de ce qui était bon ou non pour ses ouailles : de pauvres malades inconscients qui, s’ils s’adonnaient à ces pratiques, seraient voués à la fois aux flammes de l’enfer mais aussi, sur terre, à une mort dans d’indicibles souffrances…
Enfin, la nécessité d’un contrôle de l’État sur le corps des femmes -dans une visée procréative et moralisatrice éludant le plaisir et l’accomplissement personnels- a laissé des traces dans l’inconscient collectif, et un sentiment de honte, de gêne ou de culpabilité, perdure encore à l’évocation ou lors de l’accomplissement de l’acte dit solitaire…
Pour celles et ceux qui n’auraient pas lu l’ouvrage de Philippe Brenot « Éloge de la masturbation », (Ed Zulma 1997), il n’est pas trop tard pour y remédier car « Nouvel éloge de la masturbation « vient de paraitre dans la collection « textes essentiels » dirigée par l’auteur chez L’Esprit du Temps.
Vous pourrez donc acquérir une culture qui pourra vous permettre de garder la tête haute et le regard fier, car vous saurez tout, tant d’un point de vue historique que religieux, médical ou sociologique, sur le pourquoi de la condamnation de la masturbation, puis de sa réhabilitation progressive et justifiée… En effet, seule la connaissance permet de faire reculer l’obscurantisme et les préjugés!
Car par bonheur, la face lumineuse, joyeuse et décomplexée de « l’instant délicieux » dixit Diderot, a été mise en peinture, écriture et images par nombre de poètes, cinéastes, artistes en tous genres, vers une libération et libéralisation des mœurs qui a encore de beaux jours devant elle…
Philippe Brenot, toujours érudit et impertinent, nous offre en exergue un « petit glossaire masturbatoire » de quelques huit cent synonymes qui permettent de mesurer la richesse, mais aussi les préjugés, qui au fil des siècles ont imagé cet acte d' »autoérotisme ordinaire ».
Je ne résiste pas au plaisir de vous en livrer quelques « morceaux choisis », en espérant vous donner envie d’en savoir davantage…
« âcre volupté
acte de la main, répugnant, secret, vicieux, immoral…
crime…abominable, contre l’humanité, contre Dieu
procédé barbare, pollution du corps
singulière démangeaison
turgescence maladive
souillure clitoridienne
spectacle affligeant
volupté obscène… »
mais aussi
« apprentissage amoureux
attouchement voluptueux
besoin naturel
chose bien simple
chose douce
délicieuse pratique
plaisir philosophique
plaisir des dieux
pure satisfaction… »
Et tant d’autres encore qui ne pourront laisser indifférent-e-s, la parité entre mots doux et mots durs n’étant pas, il fallait s’en douter, encore atteinte…