La vie d'Adèle : pas si différente?…
Certes, dans « la vie d’Adèle » Abdellatif Kechiche parle avant tout d’amour- coup de foudre, de symbiose charnelle, de passion amoureuse qui se défie du temps et des normes… Et son film ne traite pas de l’homosexualité comme d’une thématique en elle-même, mais bien plutôt du coté lumineux, universel, flamboyant et parfois douloureux de l’amour.
Certes, les actrices sont plus vraies que nature, si cela est possible, et si les scènes érotiques sont parfois un peu longues et chevauchant l’esthétisme plus que le réalisme, nous sommes très souvent ému-e-s, touché-e-s, emporté-e-s par l’histoire…
Cependant, est-ce une volonté du réalisateur de délivrer, à travers les comportements souvent égoïstes et dominateurs d’Emma, ce message de « normalité » qui ressemble si étrangement à cette norme dite hétérosexuée, selon laquelle l’une se soumet, se tait, fait la cuisine la vaisselle et contribue au développement de la carrière de l’autre, dans l’ombre, sans se plaindre, et en se faisant qui plus est reprocher son manque d’ambition et d’originalité… Bien sûr, l’histoire des complémentaires dominants /dominés ne peut se circonscrire dans un modèle, qu’il soit homo ou hétérosexuel… Nous parlons bien de personnes, avec leur histoire singulière, leurs ombres et leurs lumières qui se jouent des clivages de genre!
Et ce film bien sûr ne peut également se résumer au rapport de fascination exhalé par les corps les bouches et les regards et à cette relation de maitresse à élève… Mais qui des deux est la plus forte, celle qui dans la lumière manie le verbe et les pinceaux ou celle qui, muse silencieuse restée dans l’ombre, patiemment avance pas à pas, obstinée et volontaire …
Question donc, monsieur Kechiche… Adèle est-elle admirable d’abnégation, de discrétion et de fidélité, en continuant coute que coute à avancer sur le chemin humble et lumineux qu’elle s’est tracée?
Quand sa compagne la traite de pute, la frappe et la pousse dehors parce qu’elle a osé vivre autre chose que de l’attendre en l’admirant silencieusement, est-ce pour nous montrer que les couples de même sexe ne sont pas somme toute si différents des autres?
Et ces larmes et cette morve si prompts à couler sous le nez d’Adèle, cette bouche d’enfant gloutonne et ingénue ne la rendent t-elle pas encore plus attachante, humaine, si sensible et si juste, condamnée pour combien de temps encore à pleurer, souffrir et pleurer encore?…
Tant il est vrai que certains êtres humains ne peuvent -semblerait-il- aimer que dans le don total, jusqu’à l’oubli d’eux-même, sous la coupe d’une domination, qui, qu’elle soit masculine ou féminine, leur sera préférable à une vie tiède et sans saveurs, car vivre une passion brûle, consume, et de cela, ne reste- t-il toujours que des cendres?
Ou la promesse d’un bel oiseau phénix à renaitre?
C’est tout ce que nous souhaiterons à Adèle, une belle vie…