L'amour : à tout prix?
« Aimer, c’est se réjouir. » Aristote
Dans le dernier ouvrage de André Comte- Sponville intitulé « Le sexe ni la mort », le vaste et complexe sujet de l’amour est entre autre abordé sous un angle éclairant quand à ce qui a construit, parfois inconsciemment, le socle de nos représentations : à savoir celui des premiers philosophes.
Il est courant, dans le langage imagé et populaire, de parler de sa « moitié », de son « alter-ego », voire de son « double » ou de son « âme sœur ». Ors les racines en sont anciennes, l’idée première, chère à Aristophane et développée par Platon, étant de retrouver sa moitié afin de se sentir un et entier dans un amour fusionnel qui comble mais surtout guérit de l’incomplétude, de la solitude et de l’angoisse de séparation…
L’amour ne pourrait donc être qu’exclusif et fusionnel, engagement éternel, venant guérir du manque? Il faut effectivement, au début d’une relation amoureuse, cette nécessaire illusion d’avoir enfin trouvé celui ou celle capable de tout donner, et à qui on peut tout offrir…Illusion permettant de s’engager, se désirer, se chercher, se retrouver, avec toutes les projections idéalisées, les rêves qui redonnnet sens et goût à la vie…
« Et le sexe dans tout ça? » diront certains…
Dans les cabinets des sexologues, les plaintes récurrentes parlent d’absence de désir, de perte de plaisir…
Pour Platon et Aristote, toujours à travers l’analyse de Comte-Sponville, l’amour est désir et le désir est manque, et c’est Diotime, (une femme bien sûr…) prêtresse et prophétesse initiatrice de Socrate, qui lui a enseigné cette vérité. Le manque génère donc incomplétude donc souffrance…
Lamartine nous revient en mémoire quand nous sommes amoureux :« Un seul être vous manque et tout est dépeuplé… »
Cependant, le manque est au centre de l’équilibre à trouver : il faut en effet suffisamment d’espace et d’autonomie pour se sentir exister en tant que personne, et pour se séduire, il est important de pouvoir se rêver, rêver l’autre, désirer l’autre étrange et différent… Car tout ce qui nous est acquis ne nous manque plus, l’autre fait partie des meubles, du cadre de vie, et devient transparent, habituel, prévisible.
Arrivent l’ennui, le désamour…Hormis des blocages ayant trait à l’histoire individuelle parfois douloureuse des personnes et qui ne remet pas en question la relation affective et le lien à l’autre, la routine et le désinvestissement dans le couple sentimental et érotique viennent assez vite à bout du désir et de la « réjouissance »…
Etre amoureux ne suffirait donc pas, mais c’est un bon début ! Aimer donc, et aimer bien est-il possible ?
Comte-Sponville dit : « Vous décidez de vivre ensemble parce que vous êtes amoureux ; puis vous cessez peu à peu de l’être, parce que vous vivez ensemble. ».
La difficulté serait-elle donc d’aimer celui ou celle qui ne vous manque plus ?
De quelle façon, et comment faire pour que du sentiment amoureux puisse subsister l’amour?
La suite au prochain épisode…