L'amour miroir…
Dans une nouvelle version inédite d’un certain conte de fée, la reine vieillissante s’adresse à son miroir : « Miroir ô mon miroir…Si tu me dis que je suis la plus belle…comme je m’aimerais !… »
On attend tout de l’amour ! Investissement à long terme, capital à faire fructifier, placement à vie…De l’autre on exige on espère reconnaissance, tendresse, plaisir, compréhension, mais aussi soutien, stimulation, ravissement, réparation.
Pascal Bruckner, dans un pragmatisme parfois désenchanté, mais aussi terriblement lucide, pose dans « Le paradoxe amoureux » la question du dilemme contemporain. Comment s’attacher tout en restant libre, le paradoxe est celui du couple d’aujourd’hui, vénérant la passion et réclamant l’indépendance.
Dans son dernier livre « Séparée », François de Singly pose lui aussi la question de l’identité féminine, qui se construit via et à travers le couple, et se retrouve mise à mal lors de la séparation. Et comment ensuite il est possible de se retrouver, de se construire autrement que par rapport à l’autre, au couple normé hétérosexuel et institutionnalisé…
Qui suis-je en l’absence du regard de l’autre, et quel regard- miroir m’est’- il renvoyé ? Comment continuer à exister pour et à travers soi quand l’amour inconditionnel se transforme en attachement, puis en distance, indifférence, puis en rejet ? Quand l’autre ne nous veut plus ne nous désire plus, comment narcissiquement se retrouver soi, par quels autres filtres d’amour, autres prismes, autres kaléidoscopes ? Ou tout simplement en se redécouvrant soi-même…
Dans la vie amoureuse et sexuelle, se sentir désiré-e- dans le regard de l’autre peut permettre l’embrasement, l’embrassement, la propagation de la flamme, dans des feux (d’artifices ?) éphémères et tellement spectaculaires !
Mais parfois aussi le regard désirant de l’autre est difficile à assumer quand on ne s’aime pas soi-même suffisamment, quand notre propre corps objet de désir l’est aussi de dégoût de soi, d’empreintes sales, de souvenirs amers…
L’amour ne suffit pas quand on a dans l’enfance ou pendant l’âge adulte si peu si mal été aimé-e-, mais l’amour peut aussi panser les blessures, guérir les plaies, à condition sans doute de se faire aider, de faire la part de soi, de l’autre, d’apprendre à décoder et à inventer de nouvelles empreintes, faites de caresses douces, de rieuse légèreté, de regards grands ouverts et si pleins de confiance, de respect, d’indulgence…