Laurence Anyways
(Petite chronique cinéphile de l’été)
Si l’on cherche à comprendre la complexité et la dualité préexistantes à la décision de changer de genre, on pourra souhaiter continuer les échanges, voire approfondir le sujet, après avoir vu le film « Laurence Anyways » de Xavier Dolan.
L’approche vivifiante, baroque et parfois déjantée du réalisateur, qui se joue des tabous et des normes tout en en montrant une réalité pas si éloignée de nous qu’on pourrait le penser, ne peut laisser insensible. Avec, déjà, le mérite de poser la question d’un couple qui, s’il est déjà hors-norme de par sa fantaisie et son coté anti-conventionnel, se retrouve néanmoins confronté à la norme, la morale, mais surtout à ses propres limites. Par amour, peut-on tout accepter, tout comprendre ?
Entre la forme du film (le coté kitsch, parfois mélo, les références Queer, les longueurs et envolées lyriques, les effets métaphoriques ou féeriques à la Kusturica) et le fond, on peut en ressortir perplexe, agacé…mais certainement pas indifférent.
Fred et Laurence (cherchez l’homme, cherchez la femme..) vivent une passion amoureuse, que le désir de l’un à devenir la femme qu’il s’est toujours senti être, va venir bouleverser, réinterroger. Quel est le sens de leur relation quand « tout ce que j’aime de toi, c’est tout ce que tu détestes de toi ». L’amour est là, mais va-t-il suffire ?
Est posée ici la question de l’altérité, transgenre mais pas seulement : on s’évertue sans cesse à vouloir de l’autre ce qu’il ne peut nous donner, dans un superbe malentendu sur lequel se fondent nombre de couples en souffrance…
Par ailleurs, la question du genre et de l’identité (peut-on être dans une sensibilité et des comportements dits d’homme mais aussi dans une sensibilité et des comportements dits de femme sans être étiqueté-e-, dévalorisé-e-, rejeté-e- ?) a ici le mérite d’être encore posée.
De façon tonique, colorée d’un accent et d’expressions québécoises qui peuvent laisser penser qu’il s’agit d’un « autre monde », mais pose de façon étincelante la question du tabou ultime : celui de la transgression de la nature par la culture, du mélange et de la confusion des genres, de la perte des repères normés et de la mutation des identités…