Un jour mon prince…
« Un jour mon Prince…ou ma Princesse…viendra! »
Bon. Tout le monde le sait, c’est juste dans les contes que l’idéal existe et peut le rester, pas de contraintes, de routine, d’ennui, d’enfants éprouvants, de soucis bassement matériels. Pas de descente de nuage, de désillusions, de désenchantement puisque la magie est dans les contes. De la baguette de la fée (pour le génie c’est une lampe, quoique…) au tapis volant et autres objets non identifiés, il n’y a qu’un espace-temps intersidéral et sidérant.
Oui mais…
Figurez-vous que l’une de mes amies un peu fée (pas comme celle des contes, une qui fait juste danser sa vie et la transforme non pas à coups de baguette mais de rêves obstinés) m’a soufflée une recette, pas celle du gâteau de Peau d’âne pour ensorceler le Prince, mais une qui demande juste papier et crayon, et…concentration ultime, méditation intense :
« Écrire exactement comme on le voit notre prince ou princesse, sans rien oublier, mais alors vraiment rien! (Du genre, qu’il ou elle parle le français, aime la chaleur, les feux de bois. Qu’il ou elle doit être sportif, ou encore rembourré, ou… ou peu importe). Attention, nous ne sommes pas sur un profil de site de rencontre.
Car ensuite il va s’agir, pour soi et chaque fois qu’on le peut, de lire à voix haute ce message en le confiant aux oiseaux, à l’océan, au vent, aux fleurs du jardin ou du bitume. Ou encore à l’oreiller du soir, au soleil du matin. »
Ayant très largement diffusé à mon intime cercle cette idée enchanteresse, une amie (une autre, qui croit encore aux fées la malheureuse) m’a confiée, à moi qui ne suis pourtant ni le vent ni un oreiller, et sous couvert de garder l’anonymat le plus total sur son identité, le message qui suit. Ni un modèle, ni une référence, mais juste un message de bel espoir et de grande confiance:
« Cher Homme mûr à point. C’est-à-dire pas blette, donc encore ferme mais à peau douce, même si un peu trop souple par endroits, et dans laquelle mes doigts s’enfonceraient pour te laisser une durable impression, une empreinte à mémoire de forme. Pour que tu te souviennes de moi, un peu…
Cher Homme donc, car j’ai un moment pensé à écrire à une femme, je les aime aussi. J’aurais certes pu dire cher Être, mais quand on va effleurer la question du sexe cher Ange, sans doute réagiras-tu… Car je ne peux imaginer que tu n’en n’aies point!
Même si, dans ta sensibilité, dans ta générosité pas dupe je me prélasserai, je veux tes bras solides et enveloppants, pour qu’autour de ta taille mes jambes s’enroulent.
Et on fera dans le primitif, le plumitif, le festif, if …
Cher Homme avec une grave voix d’homme. Ah la voix… Tes sons me feront vibrer en caisse de résonance, en ventre de violoncelle, en grotte réceptacle de tes troublants échos. Et tes mots me feront voyager, divaguer, voguer et m’envoler.
Cher Homme des arbres, plutôt pin parasol qui tend ses bras vers le ciel et se découpe dans le matin, je te regarde par la fenêtre.
Cher Homme océan : celui des vagues puissantes qui me déposent sur le sable, et qui se font douces pour me caresser, d’abord les pieds, puis…
Cher Homme aux mains habiles, celles qui savent masser, consoler, guérir, effleurer. Mais aussi porter, lever, attraper, transformer la matière pour lui donner vie.
Cher Homme poète, qui sait regarder les visages, comprendre les nuages, jouer avec les rêves, inventer des histoires pour me faire rire, croire et m’émouvoir.
Cher Homme avec des yeux. Brillants d’amour et d’indulgence, de tendresse et d’humour facétieux. Des yeux de pierres précieuses, étoiles de mon firmament.
Cher homme à la crinière d’une monture lancée au galop vers des forêts profondes.
Cher Homme qui aimera l’enfant, l’adolescente, la fille et la femme que je suis.
Prince des marées, des équinoxes et de l’œuf à la coque.
Prince du temps présent, du temps qui passe, et qui saura retenir la nuit, faire fuir les chimères, vivre, vivre, tout simplement, jusqu’au bout de nos vies (…) »
Elle a signé : « Oboulaba »
Alors, après avoir parcouru son message, un peu émue, mais néanmoins sceptique je lui ai murmuré : « Mais ça, c’est juste de la poésie, la vraie vie, c’est autre chose! »
Comme elle a réponse à tout, elle a gaiement rétorqué :
« C’est comme le Petit Prince, si on y pense suffisamment fort, ça va arriver! »
Que répondre à cela?…